top of page
Rechercher

Philosophie de terrain: l'art comme combat

  • Martha Bernardo
  • 7 juin 2020
  • 6 min de lecture

Le "terrain" est associé à un ensemble de productions artistiques “d' avant-garde". D'un côté, il fait face et montre une alternative aux grands modèles qui orientent la production précèdente: on peut citer, par exemple, l'idée de "pièce bien faite" de Racine, la "théatrologie" de Zola ou la tratadistique de la peinture qui décrivent les “bons” sujets, la bonne forme et les techniques à suivre pour la constitution d'une oeuvre d'art. En rupture avec ces cadres de références, le "terrain" s'ouvre comme une source de nouvelles possibilités dans le champ artistique, voire comme une rélation qui bouleverse la comprehénsion de ce qu’on appelle "art". D'un autre côté, l'éxpérience empirique, par opposition aux Textes, le vécu et le champ conduisent (comme rappelle Mario Perniola. Cf. PERNIOLA. Estética do século XX. Editorial Estampa: Lisboa, 1998) à une "esthétique de la vie", une tentative de fusion entre art et vie, comme. par exemple, le cas des indigènes.

Si l'on considére, par exemple, les masques de Janco - faites pour être portés et non contemplés et qui produisent à que les portent un état extra-quotidien ou extatique, les soirées du Cabaret Voltaire, qui éliminent non seulement la division entre le spectateur et l'artiste, mais aussi la notion de texte, d'auteur et d’"objet" (BÉHAR, H. Le théâtre dada et surréaliste. Gallimard: Paris, 1979); si l'on pense, par exemple, aux voyages de Gauguin ou de Tristan Tzara ou à la proximité de certains surréalistes aux recherches de Marcel Mauss ou de Michel Leiris, un surréaliste, qui devient ethnographe et écrit "l'Afrique fântome" - où il propose une "ethnographie de soi-même" (LERIS, M. L'âge d'homme précedé de l'Afrique fantôme. Ed. La Pléiade/Gallimard: Paris, 2014) – ou à Antonin Artaud, qui part au Méxique en cherchant une nouvelle forme de théatre chez les tarahumaras (In: Les tarahumaras. ANTONIN, A. Oeuvres Complètes tome IX. Gallimard: Paris, 1979) - on voit se dessiner toute une cartographie qui rélie différentes perpectives sur l'"art" à ces territoires, ce que Clifford appelle “écoles sauvages” (CLIFFORD,J. Antropologia e literatura no século XX. Rio de Janeiro: Ed. UFRJ, 2011) . Donc, c'est bien un refus de l'idéalisme des formes qui mobilise l'inquiétude de ces artistes vers le terrain, et qui a aussi pour conséquence une transformation de la pensée artistique.

Certes, on doit s'interroger sur les limites de cette réception, sur ce regard qui associe l'autre (le noir, l'indigène, celui qui est différent) aux modéles de beauté et de vertu de l’occident. Le bon noir de Tristan Tzara dans la "Note 6 sur l'art nègre" ("Mon autre frère est naïf et bon et rit. Il mange en Afrique ou au long des îles océaniennes". In:Sic, nº21-22, sept-oct, 1917) , les tarahumaras chez Artaud la "Race Principe", la "civilisation précorteziénne", les "philosophes en naissant" (ARTAUD, A. ANTONIN, A. Oeuvres Complètes tome IX. Gallimard: Paris, 1979). Mais cette réception est habitée par une multiplicité tout à fait diffuse. Quand Alfred Jarry parle de l'anthopophagie comme une des plus nobles vertus de l'esprit - l'assimilation de ce que l’on trouve bon - on reconnaît une perspective critique qui se tourne contre la "mission européenne" à la Nouvelle-Guinée ("Anthropophagie". IN: JARRY, A. Gestes. Édité par la bibliothéque numérique romande: https://ebooks-bnr.com/ebooks/pdf4/jarry_gestes.pdf). De la même façon, l'exaltation de la "race rouge" chez Artaud questionne une certaine importation du marxisme dans la Révolution mexicaine qui aurait oublié la résistance séculaire indigène et qui n’aurait pas consideré, à son avis, les formes de résistance déjà présentes dans les cultures locales: des nombreuses textes dans "Messages Révoluttionaires/Lettres du Mexique" (ARTAUD, A. Oeuvres Complètes VIII. Gallimard: Paris, 1980) parlent de cette marginalisation qui apparaît chez Artaud comme un nouveau colonialisme qui n’est pas pensé dans les aspirations révolutionnaires.

Cette tentation ou exigence du terrain traverse non seulement l'histoire de la philosophie (particulièrement de la philosophie contemporaine: Foucault, Guatarri, Arendt), mais aussi la "philosophie de terrain" qui propose des formes de travail en commun et cherche à produire des manières de déplacer les discours normalisés, occultés ou déformés par les mass media. Dans la philosophie de terrain, le style se révèle comme une attitude et une stratégie: reinsufler (dans l'art) la volonté d'agir et transformer la réalité (comme l'ecosophie guattarienne).

La "philosophie de terrain" a été mise en question, sur certains aspects, par des études postcoloniales. Vollaire rappele que, malgré l'énorme contribution de Foucault sur la question de la prison (non seulement à partir de ses oeuvres, mais aussi des recherches du GMP), on ne voit pas dans les archives une prise de parole de prisionniers. En fait, la question "qui parle?" reste centrale dans ces études qui envisagent un changement de perspective ou de regard. Aussi, la critique à l’ethnocentrisme des artistes de "terrain" (le caractère utopique ou médiateur de ses interventions) est aujourd'hui assez problématique pour certains critiques d'art (Cf. "L'artiste comme ethnographe". In : FOSTER, H. Le retour du réel : situation actuelle de l'avant-garde. Bruxelles: La lettre volée.2006).

Par contre, si l'on considère le contexte dans lequel ces discours et ces pratiques ont eu lieu, on peut essayer de mésurer à partir d'une autre perspective la distance qui sépare les discours des artistes des discours du pouvoir. Un exemple: l'exposition coloniale de 1931, en France. À partir d'une reconstitution et d'une recherche historique, Daenickx (DAENICKX, D. Cannibale. Gallimard: Paris, 1999.), décrit, de façon littéraire, l'expérience d'un habitant de la Nouvelle Calédonie exposé au public, à côté d'autres animaux. L'exposition - décrite comme un grand événement - reçoit un large investissement de l'État et est frequentée par les autorités françaises et aussi par des milliers de curieux. Ici, l'expérience que Clifford rapporte au XIX siècle - celle de l’exotisme, d'un vécu instantané de l'étranger, de l'autre, de l'incomprehénsible, la frenesie de cette expérience - est plus que jamais actuelle. On voit encore les échos des théories racistes du XVIII ou évolutionistes qui tracent une ligne de séparation entre l'homme civilisé et l'homme dit “primitif” et qui associent ce dernier à la "nature", de façon à l’exposer entre les animaux au zoologique.

Aussi, des recherches scientifiques, la génétique associée à l'anthopologie biologique, reçoivent, au début du XXéme siècle, une attention croissante des politiques publiques et une grande propagande de l’État. Le discours eugénique qui vise l'amélioration et au progrès de la civilisation à partir d'un contrôle génétique établie une hiérarchie perverse entre le bon modèle et l'humanité inférieure condamnée à disparaître : la stérilisation d'hommes imparfaits, l'abandon d'enfants “défectuex” jusqu’à la mort étaient une pratique commune de la médicine (documentaire "Homo Sapiens 1900" -https://www.youtube.com/watch?v=TPSjjElIIZM&t=1s).

La distance entre le discours institutionnel, les pratiques sociales et les discours et pratiques de ces artistes est considérable. Mais les écoles sauvages servent aussi à marquer une frontière, une limite dans ce que l’on considère la révolution, l’action révolutionnaire - la critique du pouvoir. L'adhésion du surréalisme au Parti Comuniste et l'éxpulsion de plusieurs membres peuvent indiquer un exemple de cette division. Au paradigme de la révolution comme horizont et télos de l'action révolutionnaire (et sa morale), on oppose l'existence de territoires comme ouverture d'un espace dialogique, de pratiques et de formes de connaissances qui peuvent être orientées en direction à l’un travail commun.

La critique au artiste de terrain ou, comme dit Foster, au artiste-ethnographe, rend présent le risque d'éthnocentrisme. Cependant, en considérant toujours la subjeticvité de l'artiste comme un portrait déformé de la réalité, cristalisé dans l’object artistique comme moyen entre les marginalisés et le public, on risque de soutenir une position semblable: celle qui considère que l'"autre" est toujours "répresenté" ou "inventé" selon les intérêts d'une phantasmogorie subjective, comme rappelle Viveiros de Castros ("Uma notável reviravolta". In: CASTROS, V. Metafísicas Canibais : elementos para uma antropologia pós-estrutural. São Paulo: Cosac & Naif, 2015). À cette thèse paternaliste - où l'autre n'est que le fruit de l'imagination occidentale (ou de l’artiste ethnographe comme moyen), réduit à un miroir du "nous-civilisés", au narcissisme de voir toujours le Même dans l'Autre, Castros oppose l'anti-narcissisme qui voit dans les échanges, dans la co-participation créatrice, dans les relations et approches avec l'autre, les transformations des discours et des pratiques. Or, cette exactement ce genre des pratiques que les collectifs artistiques, les artivismes, les plateformes digitales, les groupes de gestion autonomes, les occupations artistiques etc mettent en rélief. En plus, le champ de la culture s’articule en plusieurs cas à d’autres champs, comme celui de l’éducation, de l’environement, de la psychologie, en produisant des échanges interdisciplinaires et pluriels, en participant de la construction d’une expérience global dans ces territoires.

Dans cette perspective, la question posée aux artistes de terrain serait, par exemple: dans quel sens ou comment ces approches entre l'artiste et ces territoires se contaminant les uns les autres, en contribuant à changer les pratiques artitiques et les territoires dans lesquels elles se dévellopent? Dans quelle mesure, la philosophie de terrain a déjà produit un questionemment de frontières – et cette article défend l'art d'avant-garde du début du siècle comme um moment-clé de cette histoire et cette généalogie - et comment donner lieu à de nouveaux dépassement?

 
 
 

Commentaires


Post: Blog2_Post
bottom of page